Exonération des exploitants agricoles : remise en cause du caractère agricole de l’activité
Une SARL qui commercialise uniquement des mélanges de salades conditionnées dans la composition desquels entrent des produits non issus de son exploitation ne peut bénéficier de l’exonération de CFE et de CVAE dans la mesure où le prix d’acquisition des salades auprès de tiers représentait une pas moins de 30 % de son chiffre d’affaires. Par conséquent, son activité de vente ne se situe pas dans le prolongement de l’acte de production et ne revêt pas un caractère agricole.
Sont définies comme agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle, ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole dans le prolongement de l’acte de production ou qui ont pour support l’exploitation (C. rur. art. L 311-1).
Une SARL exerce une activité de production, de conditionnement et de vente de salades. Elle commercialise sous forme de mélanges des salades conditionnées issues pour certaines de sa propre production et pour d’autres qu’elle achète auprès de tiers, notamment d’une filiale établie au Portugal.
À la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration a estimé que cette société ne pouvait être regardée comme exerçant une activité agricole et a remis en cause le bénéfice de l’exonération de CFE et de CVAE dont la société se prévalait (CGI art. 1450 et 1586 ter). Après un rejet de sa demande devant le tribunal administratif, la société a fait appel.
Par un arrêt du 27-1-2022, la cour administrative d’appel de Douai a d’abord relevé que les achats pour revendre, qui ne s’inscrivaient pas dans le cycle biologique de la production végétale, n’avaient pas eu pour seul objet de compenser les variations saisonnières de sa production mais avaient été réalisés dans des proportions similaires tout au long des années d’imposition en litige. La cour a également souligné que les salades ainsi achetées à des tiers étaient conditionnées dans le même atelier et à l’aide des mêmes équipements que celles issues de la production de la société et ne faisaient aucunement l’objet d’une commercialisation distincte mais entraient, avec les variétés produites par l'entreprise, dans la composition des mélanges, unique produit offert à la vente.
À la suite du pourvoi du ministre de l’économie, des finances et de la relance contre l’arrêt de la cour, le Conseil d’État considère qu’alors même que la société indiquait que le prix d’acquisition des salades auprès de tiers représentait environ 30 % de son chiffre d’affaires, la cour ne pouvait en déduire que l’activité de vente de la société se situait dans le prolongement de l’acte de production et revêtait, par suite, un caractère agricole. Le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai et renvoie l’affaire devant ladite cour.
Cette décision n’est pas sans évoquer celle dans laquelle le Conseil d’État a considéré que la proportion trop importante de raisins achetés à des tiers viticulteurs (en l’espèce, plus de 29 % de la production) remettait en cause le bénéfice de l’exonération de taxe foncière dont prétendait bénéficier le producteur-récoltant (CE 14-10-2015 n° 378329).
CE 20-9-2022 n° 461477
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